Numéro 2 – Avril 2014


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couv_octobre_2013Le deuxième numéro de la Revue française de criminologie et de droit pénal regroupe différentes contributions d’experts internationaux dans le domaine de la criminologie dont celle du Pr Maurice Cusson à propos du rôle de la communication pénale dans la dissuasion et celle du Pr David P. Farrington sur les facteurs de protection contre la délinquance. Ce numéro apporte également un éclairage nouveau sur l’analyse comportementale, les causes du Crime Drop, la maîtrise de la délinquance des mineurs ou encore sur les limites actuelles de notre système de justice pénale.

 

Sommaire

› ARTICLES

Dissuasion, justice et communication pénalepage 3
Maurice Cusson

Facteurs de protection contre la délinquance page 39
David P. Farrington, Maria M. Ttofi et Rolf Loeber

L’analyse comportementale et l’enquêteur : un partenariat de confiance page 65
Pierre Chaignon et Elen Vuidard

Intérêt et limites du débat sur les causes du Crime Drop page 83
Cyril Rizk et Inès Bettaïeb

› ENTRETIEN
À la recherche d’une délinquance des mineurs mieux maîtrisée page 107
Cécile Petit

› NOTE
Les sept péchés capitaux de la justice françaisepage 115
Jean-Claude Magendie

› INFORMATIONS
Actualité du droit pénal et de la procédure pénalepage 123
Gabriel Roujou de Boubée et Jean-Philippe Loyant

 

Résumés


Dissuasion, justice et communication pénale par Maurice Cusson

Cet article propose de confronter la théorie classique de la dissuasion aux résultats des recherches empiriques des quarante dernières années. Il en ressort une confirmation du postulat selon lequel les sanctions pénales produisent bien un effet intimidant. Cette confirmation ne vaut toutefois que lorsque la certitude des peines est bien connue des délinquants potentiels. En revanche, l’effet dissuasif est beaucoup moins prégnant dans les autres hypothèses. Pour mieux rendre compte des connaissances actuelles, l’auteur revisite la théorie classique de la dissuasion au travers de nouvelles variables : la connaissance de la sanction, la communication pénale et la justice. Il propose ainsi une théorie moderne de la sanction pénale selon laquelle la peine ne produit pas seulement un effet intimidant, mais constitue également un message visant à persuader les citoyens de respecter la loi et les règles fondamentales de la justice dans les rapports humains.

 

Mots-clefs : Criminalité – Lutte contre ; Criminalité – Prévention ; Criminologie ; Dissuasion ; Peines ; Sanctions – Droit.

 

This article aims to compare the classical deterrence doctrine to the results of empirical research over the last forty years. The result is a confirmation of the assumption that criminal sanctions do produce an intimidating effect. However, this confirmation is only valid when the certainty of punishment is well known to the potential offenders. The deterrent effect is much less pronounced in the other hypothesis. To better reflect current knowledge, the author revisits the classical deterrence doctrine through new variables : knowledge of the sanction, communication and criminal justice. It proposes therefore a modern theory of the criminal sanction that a sentence not only produces an intimidating effect, but is also a message to persuade citizens to respect the law and the fundamental rules of justice in human relations.

 

Keywords : Crime – Fight against ; Crime – Prevention ; Criminology ; Deterrence ; Punishment ; Sanctions – Law.



Facteurs de protection contre la délinquance par David P. Farrington, Maria M. Ttofi et Rolf Loeber

Grâce à 50 ans de recherches longitudinales sur le sujet, nous possédons aujourd’hui une bonne connaissance des « facteurs de risque » qui favorisent la délinquance. Les plus importants parmi ces derniers chez les enfants et les adolescents comprennent : la forte impulsivité, l’échec scolaire, la mauvaise éducation, la criminalité des parents, les familles décomposées, la pauvreté et la délinquance des pairs. Ces facteurs sont souvent inclus dans les instruments d’évaluation du risque et sont aussi visés dans les programmes de prévention des risques (par exemple, la formation des parents, la formation axée sur les compétences des enfants, les programmes d’enrichissement intellectuel préscolaires). En revanche, nous ne possédons que des connaissances limitées sur les « facteurs de protection », qui inhibent la délinquance. Nous définissons les « facteurs de promotion » qui prédisent une faible probabilité de délinquance, les « facteurs de protection » qui prédisent une faible probabilité de délinquance parmi les personnes à risque et les « facteurs de protection interactifs » qui prédisent une faible probabilité de délinquance parmi les enfants à risque, mais pas parmi les autres enfants. Ces facteurs ont été examinés dans le cadre de deux études longitudinales : la Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD) et la Pittsburgh Youth Study (PYS). Nous avons observé que de nombreuses variables généralement considérées comme des facteurs de risque fonctionnent en réalité comme des facteurs de promotion et/ou de protection. Nous préconisons que ces facteurs de promotion/de protection soient inclus dans les instruments d’évaluation du risque et que les connaissances relatives à ces facteurs orientent les programmes de réduction de la délinquance. Il est préférable, et sans doute plus efficace, de renforcer ces facteurs de promotion/de protection plutôt que de prévenir ou de réduire les facteurs de risque.

 

Mots-clefs : Crimes et criminels ; Criminologie ; Délinquance juvénile – Prévention ; Évaluation du risque ; Facteurs de risque – Délinquance ; Facteurs de protection – Délinquance ; Facteurs de promotion – Délinquance ; Psychologie criminelle ; Résilience ; Sociologie criminelle.

 

A great deal is known, from more than 50 years of longitudinal research, about risk factors that encourage offending. The most important childhood and adolescent risk factors for later offending include high impulsiveness, low academic achievement, poor child-rearing, criminal parents, broken families, poverty and delinquent peers. These factors are often included in risk assessment instruments and are targeted in risk-focussed prevention programmes (e.g. parent training, child skills training, pre-school intellectual enrichment programmes). Much less is known about protective factors that inhibit offending. We define promotive factors that predict a low probability of offending, protective factors that predict a low probability of offending among a risk category, and interactive protective factors that predict low offending among children at risk but not among other children. We investigate these factors in two longitudinal surveys, the Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD) and the Pittsburgh Youth Study (PYS). We find that many variables that are traditionally considered to be risk factors actually operate as promotive and/or protective factors. We recommend that promotive/protective factors should be included in risk assessment instruments and that knowledge about promotive/protective factors should inform delinquency reduction programmes. It is more positive, and may be more effective, to strengthen promotive/protective factors rather than to prevent or reduce risk factors.

 

Keywords : Crimes and Criminals ; Criminology ; Juvenile Delinquency – Prevention ; Risk Assessment ; Risk Factors – Offending ; Protective Factors – Offending ; Promoting Factors – Offending ; Criminal Psychology ; Resilience ; Criminal Sociology.



L’analyse comportementale et l’enquêteur : un partenariat de confiance par Pierre Chaignon et Elen Vuidard

 

L’analyse comportementale est l’un des outils mis à la disposition de l’enquêteur dans le cadre de crimes particuliers. Elle consiste en une étude pluridisciplinaire d’un dossier criminel et confère une dimension psychologique à l’enquête judiciaire, en développant un axe de recherche basé sur le comportement criminel. Il s’agit d’une technique d’aide à l’enquête alliant les moyens traditionnels d’investigations, l’analyse de données objectives issues de la procédure et des connaissances approfondies en psycho-criminologie. Elle a pour but de faire ressortir des éléments permettant l’identification de l’auteur et d’orienter ainsi les investigations vers le suspect le plus probable. Cette analyse est pratiquée en France au sein d’une unité spéciale de la gendarmerie nationale dénommée « département des sciences du comportement ». Doté d’une organisation spécifique composée d’analystes et de référents de police judiciaire, ce département est compétent en matière de sérialité mais aussi de crime à épisode unique tels que les homicides, les viols ou les enlèvements de mineurs. Les missions qui sont confiées à ce service par les unités de terrain sont le profil psycho-criminologique d’un auteur inconnu, l’aide à l’audition d’un suspect ou l’analyse de phénomènes sériels sur la base d’analyses comparatives de faits.

 

Mots-clefs : Crimes et criminels ; Criminalité – lutte contre ; Criminologie ; Enquête criminelle ; Gendarmerie nationale.

 

Behavioral analysis is one of the tools available to the social investigator under specific crimes. It consists of a multidisciplinary study of a criminal file and gives a psychological dimension to the judicial inquiry by developing a research based on criminal behavior. This is a technical aid to the investigation, combining traditional means of investigation, analysis of objective data from the procedure and in-depth psycho-criminological knowledge. This investigation allows to stress the elements for the identification of the author and guide the investigators into the most likely suspect. This analysis is carried out in France in a special unit of the gendarmerie called «Department of Behavioral Sciences ». With a specific organization composed of analysts and referents police, this department is responsible for serial crimes but one-shot crimes such as murder, rape or abduction of minors. The tasks given to the service by the field units are psycho-criminological profile of an unknown author, the assistance during the examination of a suspect or the analysis of serial phenomena on the basis of comparative analysis of facts.

 

Keywords : Crime and criminals ; Crime – the fight against ; Criminology ; Criminal investigation ; National Gendarmerie.



Intérêt et limites du débat sur les causes du Crime Drop par Cyril Rizk et Inès Bettaïeb

 

Une énigme tourmente les criminologues depuis près de 15 ans : pourquoi la criminalité chute-t-elle ? La France a rejoint depuis quelques années le cercle des pays comme les États-Unis, l’Angleterre et le Pays de Galles, où les tendances des principaux phénomènes de délinquance sont mesurées grâce à un dispositif d’enquêtes annuelles de victimation. Il apparaît nécessaire de s’interroger sur l’émergence et le déroulement du débat en cours depuis la fin des années 1990 sur ce que Cusson appelle la « décroissance du crime » et que l’on désignera plutôt par l’anglicisme Crime Drop. Le point de départ de ce phénomène se situe aux États-Unis et en particulier dans la ville de New York, la « ville qui est devenue sûre ». Année après année, la criminologie s’est montrée particulièrement féconde dans sa recherche des causes du Crime Drop, sans pour autant réussir à apporter de réponses définitives. C’est donc davantage par sa richesse et son intensité, que par ses conclusions, que ce débat a été bénéfique au développement de la criminologie, notamment par l’amélioration des méthodes statistiques mises en oeuvre pour déterminer les causes de la baisse de la délinquance.

 

Mots-clefsCrime Drop – États-Unis ; Crimes et criminels ; Criminalité – Évolution ; Criminalité – Prévention ; Criminologie – Histoire ; Police ; Théorie de la vitre brisée.

 

An enigma worries criminologists for nearly 15 years : « Why does the crime fall ? » While France joined in recent years the number of countries like the United States or England and Wales, where the trends of the main criminal phenomena are measured through an annual victimization surveys device, it is necessary to consider the emergence and progress of the ongoing debate since the late 1990s on what Cusson called « Crime Decline » and that we rather denote by the expression « Crime Drop » by reference to the Book of Blumstein and Wallman. The starting point of this phenomenon is the United States and especially the city of New York, the « city that has become safe ». Years after years, criminology has been particularly prolific in the search for causes of the Crime Drop, but has failed to provide definitive answers. It is therefore more by its richness and intensity, as well as, by its conclusions, that this debate has been beneficial to the development of criminology, including the improvement of statistical methods used to determine the causes of the drop in crime.

 

Keywords : Crime Drop – United States ; Crimes and Criminals ; Crime – Evolution ; Crime – Prevention ; Criminology – History ; Police ; Broken Windows Theory.

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